Page:Hess - La Vérité sur l’Algérie, 1905.pdf/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.

notre journaliste, notre homme de lettres) sur la poésie du moyen âge et de la chevalerie, sur la délicatesse et la grâce des gentilles femmes du grand siècle où l’on se gorgeait de viandes, où l’on avait chaise percée dans la chambre à dormir, où l’on cultivait la teigne sous les perruques, la crasse et la gale sous les jupes, et où le fin du fin de l’esprit et de la gaieté, même pour un génie comme celui de Molière, c’était variations sur les clystères.

C’est de ce mécanisme cérébral que vient l’idée de la fertilité chananéenne de l’Afrique romaine. Cette idée ce n’est pas les Romains qui nous l’ont transmise, elle fut créée par nous, suivant la tendance sauvage de notre esprit à vouloir plus beau, plus grand, ce qui est plus éloigné. C’est la tendance au mystère… la même qui des jongleries et des escroqueries d’un charpentier juif sans ouvrage a fait les miracles du fils de Dieu… C’est les commentateurs qui ont fait la divinité du Christ, ce n’est pas le Christ.

Il en est de même pour la fertilité de l’Afrique romaine. Les Romains ne l’exagéraient pas. Lorsque leurs écrivains ont noté les secours envoyés à Rome par Massinissa, ils ont écrit que l’Afrique avait fourni 50.000 boisseaux de blé et 300.000 boisseaux d’orge. Et c’est tout. Le dey d’Alger en envoyait beaucoup plus à la Convention. Pourquoi donc nos auteurs, par exemple M. Robe, dans un « Essai sur le régime administratif » publié en 1896, lorsqu’il reproduit ces chiffres qui feraient sourire de pitié les portefaix de la Cannebière, s’enthousiasme-t-il de ces cinquante mille et de ces trois cent mille boisseaux, et en conclut-il gravement que l’Afrique ancienne avait une splendide fertilité, laquelle doit nous donner confiance en l’avenir… etc. ?…