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colonisation romaine ne dépassait pas beaucoup le littoral… ne subirent pas un aussi complet asservissement ; mais les tribus avaient des chefs, protégés et clients du gouvernement, exploiteurs sans pitié… L’opulence de l’Afrique était faite de ces misères. De quel œil la multitude des affamés et des ignorants devait-elle regarder les villes somptueuses, et les portiques, et les thermes, et toute cette vie élégante, raffinée. De longues rancunes, d’inexpiables haines couvaient dans ces masses silencieuses et méprisées. »


Je ne vivais pas de ce temps, ou si j’y vivais je n’en ai point souvenir, mais je vis dans le temps présent. Et vivant, je vois. Ce tableau de l’Afrique romaine est celui de l’Afrique française.

Et je crois que quelque jeune homme de loisir devrait bien reprendre les discours de MM. Jaubert et Desjobert aux fins de réhabiliter en l’opinion ces deux députés de jadis qui prévoyaient, qui disaient juste, et dont on se moqua tant, et dont aujourd’hui les noms dans le monde colonial font sourire.

Galibert écrivait de ces deux hommes de raison :


« Pour eux, l’Algérie était un gouffre où toutes les ressources de la France se consommaient en pure perte ; ils comptaient avec affectation et souvent exagéraient le nombre des morts et des blessés ; ils supputaient aussi la balance du commerce, et comme elle était peu favorable à la France, ils ne cessaient de dire que l’Algérie ruinait la France. Étroite et absurde manière de calculer ! Comme si la civilisation n’a pas toujours imposé aux grandes nations des devoirs impérieux, stériles dans leurs résultats immédiats, féconds dans leurs conséquences éloignées… nous ne cesserons d’engager la France à persévérer dans la voie qu’elle s’est tracée ; car à toutes les époques ce sera pour elle une véritable gloire que d’avoir entrepris le rétablissement de la civilisation et du christianisme en Afrique. »


MM. Jaubert et Desjobert avaient raison, voyaient juste. C’était bien le gouffre. Plus de vingt milliards d’argent français, de bon argent, pas de crédit fictif d’argent annuellement dépensé, d’argent