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dessinent dans des proportions alarmantes, et qui sont nuisibles à la fois aux colons et à l’œuvre de la colonisation.

« M. Vinci… Quand on vient nous dire que, si on n’oppose pas de nouvelles barrières à la spéculation, l’œuvre de la colonisation est perdue, c’est une erreur. »


En effet, l’Algérien veut que l’agriculture, mauvaise affaire en soi, devienne une œuvre de spéculation qui, de même que toutes les œuvres de spéculation, ayant une heure de succès, pourra entre des mains habiles constituer la bonne affaire… un instant.

La discussion d’un vœu demandant une loi « qui organiserait un privilège spécial sur la récolte de l’année, au profit du prêteur qui consentirait à faire au propriétaire l’avance de ses frais de culture », nous donne également une idée très nette du rôle de la spéculation dans l’agriculture. Et aussi des difficultés financières dans lesquelles se débat la colonisation agricole. Ça n’est que l’hypothèque, le prêt, l’usurier, le renouvellement, etc., etc.

J’ai parcouru la campagne algérienne. J’ai vu les villages de colonisation. Je les ai vus en fête pour les réjouissances commandées où les drapeaux, les lampions, les pétards et les libations donnent aux chefs, tel un président de république en tournée, l’illusion de la prospérité. Et je les ai vus dans l’existence ordinaire. Alors, ce n’est plus la même chose. Ce n’est même pas ce que l’animation de quelques ports aurait permis de supposer : l’exubérance de vie, la vie intense, la vie joyeuse, la vie. Une indicible mélancolie fait une atmosphère lourde. On sent que les gens ne sont pas chez eux. On voit qu’ils n’y sont pas riches, que peu sont heureux. Même nos plantes de France ont la tristesse de l’exil. Le peuplier s’y penche en saule pleureur. Dans les vergers