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Cette colonisation est officielle ou libre. Ce qu’il y a de favorable dans les résultats provient de la colonisation libre. Mais, pour l’une et pour l’autre, le bilan accuse un déficit.

La situation de quelques propriétaires actuels peut être bonne. Celle de la propriété ne l’est point. Je m’enrichis en prenant la suite de prédécesseurs ruinés ; alors ma fortune ne suffit point pour qu’on dise que l’affaire, où je l’ai réalisée, soit bonne. Cette affaire ne sera bonne que lorsque ma fortune, gagnée dans cette affaire, dépassera les pertes occasionnées à d’autres par cette même affaire.

Nos économistes ne comprennent point cela.

Leur tempérament individualiste, leur mentalité sauvage, de gens apportant les pratiques de la guerre dans ce qu’ils ne craignent point de dire les luttes pacifiques, leur fait établir autrement le bilan d’une entreprise. Ils ne le font qu’en considérant la situation du propriétaire actuel, en le séparant de la collectivité nationale, humaine. Ils diront : il y a x propriétaires aujourd’hui en Algérie. Ces x propriétaires ont, au prix de y, un revenu de z. Et, dans ce prix de y, ils ne compteront que la dépense personnelle de ces x propriétaires. On doit, au contraire, y compter tout ce qui a été dépensé, et par le propriétaire actuel et par ses prédécesseurs.

Alors, on fera ressortir le bilan vrai. Mais comme la vérité alors apparaît lamentable, effrayante, terrible, condamnant les systèmes ; qu’elle entrerait dans les intelligences les plus fermées ; que la nation serait forcée de se révolter contre ses maîtres, on ne veut pas. Bien plus, des mauvais systèmes, des mauvaises conséquences des mauvais systèmes, des résultats qu’on pouvait éviter, on en vient à tirer des lois comme ceci :