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longue ils deviennent funestes : tandis que la culture arabe n’épuise que le sol superficiel, eux épuisent le sol superficiel et le sous-sol. Sur ces terres nouvellement défrichées on commence par des rendements de 15, 18 et jusqu’à 22 quintaux de blé, puis on dégringole à 12, puis à 10, puis à 6 qui est actuellement la moyenne des cultures européennes, puis à 4 qui est la moyenne des cultures indigènes. Et on finit, comme dans certaines parties du territoire de Sidi-bel-Abbès, par être obligé de remplacer par l’avoine le blé dont la terre ne veut plus.

« Les terres ne rendent plus !

« Cette plainte vous obsède d’un bout à l’autre de l’Algérie.

« Elles ne rendent plus parce qu’on les a ruinées.

« De même que le gouvernement a cru possible de transporter purement et simplement les institutions de France en Algérie, de même le colon qui arrive croit pouvoir transporter purement et simplement l’agriculture de France en Algérie. Le sol a le même aspect, le ciel ne paraît pas trop dissemblable…

« … Mais tout de suite apparaît ce fait brutal que l’Algérie est un pays différent, tout à fait différent de la France.

« … Le colon sème du trèfle et du sainfoin, et les ardeurs inconnues en France de l’été africain les tuent avant qu’ils aient pu donner une coupe. Il plante des pommes de terre et n’obtient que demi-récolte. Il sème des betteraves et les résultats ne sont pas meilleurs. La luzerne ne vient qu’en terres irriguées, et les terres irriguées ne sont qu’en infime quantité. La vesce seule réussit parfois, mais les semences en sont chères et la plupart de ceux qui l’essayent finissent par trouver cette culture dispendieuse.

« Alors, toutes les ressources fourragères sur lesquelles est fondée l’agriculture française le trahissant les unes après les autres, le colon ne sait plus qu’entreprendre.

« Et savez-vous ce qui arrive ? C’est que lui, à l’école duquel l’Arabe devrait se mettre, il se met à celle de l’Arabe. Il devient Arabe, suivant le mot de nos Algériens eux-mêmes. Désenchanté, découragé, il finit par se ranger à l’avis que vous entendez murmurer d’un bout à l’autre de l’Algérie parmi les vieux colons et que, depuis la crise viticole, quelques publicités algériens commencent à oser imprimer c’est que, ou le climat de l’Afrique a changé ou la réputation de fertilité que lui a faite l’antiquité est une mystification ; et c’est que c’est un pays irrémédiablement pauvre, bon pour les Arabes seulement et dont on a eu tort de vouloir faire une colonie de peuplement. »