Page:Hess - La Vérité sur l’Algérie, 1905.pdf/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Jonnart protesta également.

Il dit avec beaucoup de raison :


« Quand, en matière de chemins de fer et pour le plus grand bien de la colonie, vous aurez corrigé un système d’administration reconnu défectueux ; quand vous aurez apporté d’heureuses réformes à un régime que personne n’ose défendre ; quand vous aurez, non pas séparé les intérêts algériens, mais assuré une meilleure administration de ces intérêts, vous aurez imprimé un nouvel élan à la vigueur et à la prospérité de l’Algérie ; et je ne vois pas en quoi, avec toutes les précautions dont vous entourez l’opération, vous aurez détendu les liens qui unissent la métropole et la colonie.

« Plus j’y réfléchis, moins j’aperçois en quoi l’opération qui vous est aujourd’hui proposée, la remise à l’Algérie de la gestion de ses chemins de fer, risque plus que l’opération précédente, la remise des ports et des routes, d’altérer profondément la foi patriotique des Algériens et leur fidélité au drapeau. Je n’imagine pas comment leur loyalisme pourrait être désagréablement impressionné par ce fait que désormais ils auront des chemins de fer dont ils pourront se servir, qu’ils pourront utiliser pour eux et leurs produits, qu’ils ne seront plus tributaires de la diligence et du roulage, par ce fait qu’à l’inertie de quelques bureaux ministériels — M. le ministre des finances et M. le ministre des travaux publics voudront bien m’excuser — vous aurez consenti à substituer la vigilance certainement plus éclairée, plus attentive, plus experte de l’administration et des assemblées locales, s’appuyant sur les vœux des chambres de commerce et d’agriculture, pour essayer, sous votre contrôle et sous la surveillance du gouvernement, d’approprier aux exigences de la colonisation le chemin de fer, c’est-à-dire l’outil par excellence du progrès économique. Je ne conçois pas pourquoi, dès que vous aurez multiplié là-bas les transports et les échanges, dès que vous aurez donné aux Algériens cette grande satisfaction d’avoir des trains, commodes et des tarifs réduits et simplifiés, ils s’empresseront de mordre la main qui les aura comblés. »


Je ne sais pas si les Algériens mordront la main qui les aura comblés, mais je sais qu’ils ont de suite essayé de mordre celle de M. Jonnart.

À la séance du 28 mars 1904 des Délégations al-