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Elle existe, cette génération, prétend un Algérien qui signait Marc Ly une brochure intitulée : le Bilan algérien et publiée en 1897.

En voici le passage caractéristique, et que je vous prie de méditer, comme, d’ailleurs toutes les citations qui font la force de mon livre :

« L’Algérie expie cruellement la lourde faute qu’elle a commise en accordant à ses visiteurs une aussi généreuse hospitalité.

« Chaque visite ministérielle ou parlementaire lui a coûté un nouvel impôt destiné, soit à la création d’écoles arabes-françaises, soit à l’extension de l’administration tutélaire. Le colon, anémié par la fièvre, débilité par la chaleur, et d’autant plus chauvin qu’il est plus loin du sol natal, a bien murmuré, mais il a payé quand même. S’il a peiné davantage, il lui en reste la consolation d’être exproprié par le prêteur, auquel il s’était adressé, pour pouvoir offrir à MM. les ministres, les sénateurs ou les députés le champagne rafraîchissant et les fleurs odorantes.

« Ainsi dépouillé, accablé de charges, le colon a compris. Il a dégagé la morale de cette fantastique histoire et, tout naturellement, il a pris en horreur tous ces administrateurs à distance. Il a pensé, avec quelque raison peut-être, qu’il aurait quelque avantage à être moins connu. Le spectre de l’autonomie a hanté son esprit et, à l’heure présente, le malheureux se demande s’il ne ferait pas œuvre pie en s’opposant désormais au débarquement des envoyés du pouvoir central ou des représentants du pays.

« La menace n’est pas vaine. Elle a un sérieux fondement, peut-être unique dans l’histoire administrative, mais certain dans les annales de l’Algérie. Il y a, en effet, quelques années à peine qu’un gouverneur, fraîchement nommé par le ministre compétent, dut mettre le cap sur le nord, en vue d’Alger, sans avoir pu rejoindre son poste. Il avait entrevu la terre sur laquelle devait s’exercer sa vice-royauté, mais il avait reculé devant le bain de joyeux avènement que lui réservaient ses futurs sujets.

« Avec la logique des esprits simples, le colon a pensé encore que, peut-être, il serait mieux administré s’il s’administrait lui-même, et qu’il connaîtrait ses besoins beaucoup mieux