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y croyons quand nous étudions les colonies anglaises. Nous ne voulons pas y croire quand nous étudions nos colonies. Car nous nous imaginons que nous sommes des êtres en dehors de l’humanité commune.

Nous concevons qu’un colon anglais cesse d’être anglais. Nous ne nous en étonnons point, même il nous semble que cela est heureux, et nous aidons ce colon anglais pour qu’il cesse d’être anglais. Mais nous ne pouvons concevoir qu’un colon français un jour quelconque cesse d’être français. Cela dépasse notre imagination.

La loi du séparatisme colonial existerait pour les autres ; pas pour nous !

C’est pourquoi je ne peux me contenter de l’invoquer pour dire : « L’Algérie est séparatiste parce qu’elle est une colonie. »

Beaucoup d’Algériens croient naïvement qu’on les insulte quand on dit cela. Je conçois leur irritation. Leur instinct apporté ne leur permet pas de voir celui qui naît en eux ; leur sentimentalité mourante, celle qui la remplace. Le phénomène échappe à la perception de la majorité des êtres chez lesquels il se produit ; aussi le nient-ils de bonne foi.

L’ictérique ne voit pas qu’il jaunit. Pas une femme déchue n’a vu le jour où elle devenait une catin.

Pas un homme respectueux des prescriptions du code ne voit l’heure à laquelle il devient gibier de gendarme. Pas un buveur ne distingue le verre qui le rend alcoolique. Pas un citoyen des régions tempérées ne perçoit la limite de temps après laquelle les régions tropicales prendront son existence.

Tous disent : Je suis honnête. Je suis sain. Je suis fort. Je me porte bien… alors qu’ils sont déjà morts à la vertu, à la santé, à la vie.