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mélange d’images et d’idées amenées par les hasards du mot, du nombre de syllabes exigées. Et le terrible c’est que le climat porte au lyrisme. Ils se croient tous forcés de chanter. Un officier file dans le Sud, il faut qu’il rimaille. De braves garçons qui parfois écriraient bien en prose s’ils voulaient être simples et se contenter de dire bonnement ce qu’ils ont à dire, quand ils ont quelque chose à dire, éprouvent le besoin de se montrer ridicules par de mauvaises petites poésies… C’est une maladie qui se prend. Je me suis vu sur le point de l’avoir. On me fit heureusement lire quelques sonnets de M. Lys du Pac. Et ça m’a guéri.

Tout cela est beaucoup plus mauvais qu’en Haïti où le climat porte aussi effroyablement à la poésie.

Bref, si l’on voulait caractériser la déformation du rythme de l’harmonie et du sentiment français dans la poésie vraiment algérienne on pourrait dire que les poètes de la race nouvelle ont fait de la lyre un bigophone et qu’ils en jouent tout le temps. Observez que je rends hommage à leur tempérament de gens de progrès. Je n’ai pas dit mirliton.

Cette altération du rythme, de l’imagination, du sentiment se complique d’une inquiétante déformation de la langue dans presque tous les écrits algériens. C’est l’impression que l’on éprouve à la lecture des journaux et des documents officiels. Je ne voudrais pas abuser des citations de la prose de M. de Peyerimhoff. Mais cette prose est caractéristique et montre combien rapidement agit l’ambiance. Il n’y a pas besoin d’être « fils d’acclimaté » pour ne plus parler français. Je vous ai dit que ça se gagnait. Après peu d’années de séjour M. de Peyerimhoff n’a plus rien, sur ce propos, à envier à M. de Soliers.

Si vous avez lu les écrits de M. de Soliers et que