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tout nouveau qui paraît du plus fin aux jeunes gens bien élevés… J’ai même connu des gens sérieux, de haute situation, qui ont réputation d’esprit et qu’on invite à dîner pour leurs calembours.

Ils ont des cabarets littéraires : le Clou, la Purée, des arrière-brasseries, des sous-sols…, quelque chose d’un comique lamentable, mais dont ils sont très fiers…

N’oubliez pas que Sarah Bernhardt dans tout l’éclat de son génie fut sifflée par eux. Car ils n’admirent bien que ce qui est de chez eux, que ce qui est eux, que ce qui devient eux…

Ainsi il y a dans la rédaction de la Dépêche un brave immigré qui fait tout ce qu’il peut pour devenir plus Algérien que nature.

Les Algériens connaissant les coins de l’horizon[1], lui a voulu en trouver le bout. Et il l’a trouvé. Rose. Il le chante en beaux vers que les jeunes filles mettent en musique. Le bout rose de l’horizon du poète leur plaît. Ça va très bien. Il devient populaire. Le poète, s’entend. Mais ne va-t-il point s’aviser de publier qu’il est un vaincu !


   Las de la lutte ardente et toujours sans merci,
   Je suis sorti des rangs, résigné, mais sans haine ;
   Et j’ai dit aux vaincus mes frères : « Me voici !
   Je veux ma part de paix éternelle et prochaine ! »
   Tranquille ayant jeté mon rêve sous les pieds
   Et mis sur ce que j’aime un funéraire voile,
   J’ai reposé mon front sur l’herbe des sentiers
   Pour regarder aux cieux ascender ton étoile !
   Parmi les oubliés arrêtés dans l’essor,
   Parmi les ignorés qu’un trop long rêve tue,
   Au front des nuits j’ai vu briller ton astre d’or…

  1. « Voilà bientôt six ans que nous sommes venus ici des quatre coins de l’horizon du bled… » Discours de M. Vinci. Délégations financières. 23 mars 1904.