Page:Hess - La Vérité sur l’Algérie, 1905.pdf/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Trop.

Il paraît que la moyenne de tolérance est dépassée.

Tel est aussi l’avis des filles professionnelles.

Vous ne savez peut-être pas que lorsqu’on veut être fixé très vite sur l’histoire intime d’un pays, trouver si les réalités de mœurs répondent aux apparences, la méthode c’est, lorsqu’on ne peut consacrer des années à cette recherche, de causer avec les gens de police, les commissionnaires, quelques officiers ministériels, les garçons de restaurant, la blanchisseuse, le coiffeur et les filles. Naturellement, tous, quand ils savent que vous « enquêtez », cherchent à vous tromper. En Algérie plus qu’ailleurs, les gens qu’on interroge ont tendance à mentir. J’ai vu de beaux menteurs en ma longue existence de chercheur de vrai. Nulle part je n’en vis magnifiques autant qu’en Algérie. J’en sais d’épiques. Et c’est merveille de les écouter bénévolement avec l’air idiot du philosophe qui veut bien laisser croire aux imbéciles qu’on le roule.

La courtisane algérienne est plus sincère. Elle prétend, la pauvre, qu’elle a rarement « l’occasion de causer ». Aussi quand elle se figure l’avoir, s’en donne-t-elle… aux dépens de l’habituel client qui « la fait tant souffrir ». Cette poésie délicate, ce vague à l’âme, qu’ont généralement les putains, l’Algérien ne saurait, paraît-il, point le remplir. Au lupanar, la matrone se plaint de ce que les gens distingués, pour s’amuser, « cassent tout ». En ville on ne casse rien… ou moins. Mais quand une bonne fille veut offrir des thés où il y ait un peu de tenue, personne ne vient. Pour avoir du monde, il faut singulièrement corser le programme ; à l’opium. Quelquefois jusqu’à la mort.