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« suiveur des spéculations folles » qui se trouve partout aux premiers jours de toutes les colonies, s’est joint en Algérie un autre élément plus particulier, éminemment respectable sans doute, mais néanmoins un peu… spécial, celui des déportés 1848, 51, 58. La « vigueur » de cet élément est précieuse quand elle est au service de causes justes, quand elle est employée à des efforts de libération ; elle est dangereuse quand elle dévie.

Nous verrons plus tard comment elle a dévié. Quelques-uns de ces « colons de la première heure » existent encore.

J’ai lu dans la Turco-Revue (février 1904), publication d’Alger, la lettre suivante :


« La colonisation de l’Algérie, tout le monde le sait, remonte à 1848. Pourtant ce n’était pas pour faire de la colonisation que les premiers colons sont partis de France. Les bourgeois qui étaient au pouvoir, trouvant que la fusillade des grands boulevards n’était pas assez complète, imaginèrent ce moyen de se débarrasser d’un excès de population. Il faut que les lecteurs de cette revue sachent que l’on retirait du Mont-de-piété les hardes des partants, croyant, par cet exode, tuer l’idée socialiste qui, malgré tout, a fait son chemin.

« En sortant de Paris, les premiers colons sont venus habiter sous des tentes, dans un pays nu et stérile. Tous les deux jours, la ration militaire était distribuée aux malheureux extradés pour les besoins desquels rien n’avait été préparé. Si les chefs militaires d’alors n’eussent pas été des patriotes, des hommes de cœur pour lesquels la France et l’humanité passaient avant la dynastie, l’Algérie, qui était déjà le bagne, eût été le tombeau pour tous ces malheureux exilés.

« Veuillez agréer, etc.

« P.-E. CORNU,
« Cultivateur colon, parti de Paris par
le canal Saint-Martin le 14 novembre
1848, arrivé le 16 décembre au
matin à Bône. »