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XII

SOUS LA PLUIE DE FEU


M. Chavigny de la Chevrotière.


J’ai causé avec un des hommes soignés et guéris de leurs brûlures. Le jeune Chavigny de la Chevrotière est un garçon de vingt ans. Il a le teint bronzé ; les cicatrices toutes fraîches font de grosses taches roses sur le dos des mains, sur les bras, sur le cou, sur la tête, le front. Comme ce garçon n’est vêtu que d’une chemise, je vois aussi les traces de brûlures sur les épaules et la poitrine.

Avec onze de ses camarades, il était parti en pirogue au matin, le 8, du Prêcheur, afin de porter une dépêche Saint-Pierre, car les fils du téléphone étaient tombés depuis la veille, et les habitants du bourg, effrayés par les coulées de boue et les fumées qui les menaçaient, demandaient du secours au chef-lieu.

Il s’était mis en route, à 7 h. 1/2. La mer était très belle. Mais la rivière charriait des boues dans le bourg. Il y pleuvait des cendres. Et la fumée du volcan était très noire.

L’embarcation se trouvait environ à un mille au large, par le travers du sémaphore situé au sud du Prêcheur, quand subitement « tout se gâta ».

Chavigny vit un éclair qui partait de la montagne et « embrasait tout le ciel en s’éparpillant ». La direction lui en parut Sud. Et ce fut en même temps un « bruit formidable » ; des milliers de tambours et des milliers de canons.