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passait très près de la côte lorsque nous avons longé les régions dévastées, j’ai pu bien voir. La limite sud de la zone détruite c’était dans le bourg du Carbet.


Il était joli, autrefois, ce bourg, qui dormait sur la plage étroite et longue, au pied des mornes bas, ravinés et fertiles. C’était un bourg de cultivateurs riches et de pêcheurs riches… Le feu et la mer n’y ont laissé que cendres et que ruines.

C’est d’abord des cocotiers roussis et des cannes roussies. Puis des cocotiers brûlés et des cannes brûlées.

Et des débris de cases, des éboulis de maisons. Dans un retour de ravin, l’église et les constructions qui l’entourent sont intactes… mais abandonnées. La cendre chaude en a chassé les hommes.

Et, à mesure que nous avançons vers le Nord, nous voyons plus profonde la destruction. Des arbres, il ne reste que les troncs fumés. Des champs de cannes, rien, rien que la terre ravagée. Et les cases sont en débris sur le sol. C’est un enchevêtrement de décombres. Tout le rivage en est plein, que le flot a ramenés, alignés, comme les algues mortes sur nos plages.

Le flanc des coteaux est raboté, hersé ; les hauts sont roussis, défeuillés, charbonneux.

Et c’est ensuite la cendre. Elle a coulé en tourbillons tombés avec la pluie. Elle donne l’illusion de coulées de laves.

Puis c’est des roches pelées, grises, livides. La falaise a des aspects de murs de fours à chaux.

Plus loin, c’est la campagne sous la gelée blanche. La cendre accrochée aux parois de la falaise et des mornes, dessine des arabesques d’inimaginable fan-