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VI

LE BATEAU FUNÈBRE. À TERRE.
CE QUE L’ON VOIT


J’avais vu le volcan en passant près de la côte, à bord du Saint-Domingue. J’avais observé la terreur que la menace en jetait sur Fort-de-France. Je voulais le voir de plus près. Et je voulais surtout voir les ruines, aller sur ce qui avait été la ville prospère, la ville accueillante, où voici quatre ans, lors d’un précédent voyage aux Antilles, j’avais été choyé, fêté…

J’y suis allé avec ce qu’on appelait, à Fort-de-France, la mission Cappa, c’est-à-dire l’équipe de travailleurs qui, sous la direction de M. Cappa, architecte de la ville, avait mission d’enterrer et d’incinérer les cadavres… C’est le bateau-drague du port qui, chaque jour… quand le repos, quand le sommeil du volcan le permettait… transportait cette mission de Fort-de-France à Saint-Pierre.

Ce bateau avait toujours un chargement de barils de chaux, de bocaux d’acide phénique et de touques de kérosine. Il avait pris l’odeur d’une salle d’hôpital, d’un « amphithéâtre ». J’avais navigué à bord de toutes sortes de bateaux. Il me manquait celui des fossoyeurs.

Lugubre… penserez-vous ?

Mais non… Il portail aussi deux gendarmes et deux curés, qui nous racontaient des histoires… des histoires de volcan…

Et puis il avait cet inappréciable avantage, étant un bateau-drague, de ne pas aller bien vite, et, comme il