Page:Hess - La Catastrophe de la Martinique, 1902.pdf/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


À FORT-DE-FRANCE


IV

CENDRES ET TERREURS. — PEURS NOIRES. — PEURS BLANCHES. — PEURS BLEUES.


Zulima n’a point menti. À peine exagéré. Fort-de-France est triste. La ville semble sortir d’un rêve mauvais. Elle est dans la cendre. Elle pue le volcan. La cendre est partout. Sur les toits, sur le sol, dans l’air, sur les arbres, dans l’eau des ruisseaux, dans l’eau qu’on boit, dans le pain qu’on mange… partout.

À l’hôtel, je ne puis me baigner, l’eau coule noire dans le bassin ; une boue. Toute la cuisine a goût de cendres ; sur tous les meubles, sur les lits, dans les draps, c’est la cendre et toujours de la cendre.

On me montre des cailloux tombés du nuage, voici trois jours ; il y en a de gros comme le pouce, comme des œufs de pigeon.

Cendres et cailloux… Maintenant, je m’explique la terreur des gens vus à la Guadeloupe.

Et je m’explique aussi la peur des gens qui sont restés, avec qui je vis.


On s’habitue aux volcans, aux tremblements de terre, m’a dit un ami ; on acquiert, à ce voisinage, à cette menace constante, un tempérament nouveau et très spécial…