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une masse considérable de boue bouillante. Deux gendarmes à cheval partis de Saint-Pierre pour le Prêcheur vers 6 heures du matin avaient pu facilement traverser cette rivière ; à leur retour, vers 9 heures, ils ont été arrêtés par la violence du débordement et sont retournés au Prêcheur. À partir de ce moment, le courant augmente à vue d’œil, et des boulevards on pouvait suivre, par la vapeur qui s’y dégageait, l’avalanche de boue se précipitant par bonds prodigieux sur l’usine… l’usine fut complètement recouverte… Toute cette partie de Saint-Pierre n’est plus qu’une plaine, une plaine affreuse, puante, chaude, fumant abondamment. De loin, on dirait qu’un cratère s’est formé à cet endroit.


(puis mauvaises explications du phénomène…)


Il est 4 heures, mon cher Émile. Je m’habille et cours mettre cette note à la poste. Conserve-là. Inutile de te dire que je n’ai pas encore perdu mon sang-froid. Quand je ne pourrai plus prendre de notes, je saurai que le danger est imminent.

6 mai, 11 heures du matin.

Je viens de visiter le lieu du sinistre d’hier. L’usine est ensevelie sous une montagne de boue. De l’endroit où se trouvait l’usine, jusqu’à l’habitation Neuilly, c’est une plaine de boue noire. Les maisons qui bordaient la route à droite ont disparu. Côtoyant la boue, je me suis rendu chez M. Isnard, et j’ai pu assister à la descente de la boue. On entend une détonation dans la montagne, puis une traînée de vapeurs blanches court avec une vitesse vertigineuse de l’endroit où l’explosion s’est produite. Pendant une demi-minute, on suit ces vapeurs ; on les perd ensuite de vue et, brusquement, vous voyez surgir devant vous une mer de boue fumante qui se rend dans la mer. Cela se fait avec un grondement formidable perceptible jusqu’à Saint-Pierre. Le