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de dire que, si le blanc n’aime pas le mulâtre, le nègre, ceux-ci, pour une fois bons payeurs, le lui rendent bien.

M. Peyrouton a constaté aussi les victoires progressives de l’homme de couleur sur le blanc. Faut-il toujours appeler cela des victoires. Et M. Peyrouton me dit la main mise par les noirs sur la Banque. C’est un nègre des directions de l’intérieur qui vient d’être mis à la tête de la Banque, pour en remplacer le directeur, mort à Saint-Pierre. Un noir qui a, lui aussi, son préjugé de couleur.

« Et, cependant, me dit M. Peyrouton, la Banque de la Martinique est, légalement, la propriété des blancs.

« Lorsque la République supprima l’esclavage dans la colonie, elle dédommagea les propriétaires blancs. Une partie de l’indemnité, une somme réalisée de trois millions de francs, en vertu de la loi de 1849, fut employée, en 1851, à la fondation d’une Banque, en réalité propriété des anciens possesseurs d’esclaves demeurés possesseurs du sol, d’une banque destinée à favoriser, à faciliter leurs opérations de culture et de commerce. »


Il faut d’ailleurs ajouter que tous les blancs de Fort-de-France se plaignaient amèrement du fonctionnement de la Banque sous la direction du « nègre de l’intérieur » ainsi qu’ils désignaient le malheureux fonctionnaire appelé par le ministère à diriger les affaires d’un établissement financier, dans un pays où, pour semblable besogne, il est nécessaire d’avoir une habileté, un tact et une compétence particulières, qui ne s’acquièrent généralement point dans les bureaux des directions de l’intérieur.