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modifié du tout au tout la conformation de la montagne. Elle l’a partout crevassée.

« Le 24, la mission continua son travail.»


Ainsi parla M. Cappa, qui, à la date du 30 mai, lorsque je l’ai rencontré pour la dernière fois, avait noté sur son carnet 3.678 cadavres incinérés.

M. Cappa me dit encore mille choses intéressantes. J’ai noté ainsi le résumé de ses observations sur l’aspect des cadavres :

« Presque tous couchés sur le ventre. Une proportion de 1 p. 100 à peine couchés sur le dos. Pour ainsi dire tous tombés tête au Sud. Les yeux étaient brûlés. L’orbite était un trou noir. Il y avait de l’écume à la bouche. La langue sortait. On voyait que beaucoup d’hommes étaient morts dans une crispation d’éréthisme. Tous les cadavres étaient nus. Ils n’avaient plus ni cheveux ni barbe. Les chairs étaient ou carbonisées ou gercées. La graisse avait coulé. Les entrailles chez beaucoup sortaient. Des femmes avaient les seins gonflés, crevés. Des corps semblaient en morceaux…

« Les instructions médicales données à la mission, poursuivit M. Cappa, prescrivaient d’enterrer les corps suivant les règles établies scientifiquement… Tout un tas de précautions, très bonnes quand on peut s’y conformer… Mais, ici, c’était impossible. Lorsque nous trouvions un corps ou un tas de corps, — devant une maison du quartier de l’Hôpital, il y en avait un tas de vingt-trois, — nous le recouvrions de morceaux de bois, de branches d’arbres, nous l’arrosions de pétrole, nous l’allumions, et le lendemain nous repassions voir. Généralement, nous ne trouvions plus qu’un tas de cendres. Tout était calciné. »