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passa près d’eux. Enfin, ils parvinrent au vaisseau, où ils furent recueillis. On s’approcha du Carbet, une escouade de marins débarqua pour secourir les sinistrés. Hélas ! ce n’était guère qu’éclopés, hommes, femmes, enfants, brûlés, estropiés, mourants, dont un grand nombre expira à l’embarquement ou durant la traversée. Au départ du Suchet, la montagne, bien que visiblement affaissée, vomissait encore d’énormes blocs de lave en ignition, et, de la grande ville de Saint-Pierre, la veille encore si animée, si mouvementée, il ne restait plus qu’un amas de décombres embrasés et, au-dessous, tout autour dans un vaste rayon, des cadavres carbonisés, asphyxiés par l’immense fournaise.

« Le retour à Fort-de-France fut lugubre. Les plaintes des blessés, les cris de désespoir des brûlés, leurs contorsions douloureuses, les râles des moribonds, tout cela formait un tableau lamentable digne d’exciter la pitié humaine, qui ne fit d’ailleurs pas défaut. »


Le Roraïma était commandé par le capitaine Muggha et avait soixante huit personnes à son bord, capitaine, équipage et passagers, tout compris.

Les passagers étaient juste sur le point de débarquer dans un canot le long du bord.

L’agent de la Québec Line, M. Joseph Plissonneau, fut à bord du Roraïma à sept heures quarante-cinq. Il dit au capitaine Muggha que, puisque c’était le jour de l’Ascension, il n’y aurait pas de travail. Comme il avait à lui donner soixante passagers de première classe, qui étaient désireux de se rendre à Sainte-Lucie, il lui conseillait de retourner à Sainte-Lucie, d’y débarquer sa cargaison pour cette île, et de revenir le lendemain débarquer sa cargaison pour la Martinique. Le capitaine Muggha refusa, décidant de rester dans le port de Saint-Pierre jusqu’au lendemain pour son débarquement.