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MAJOGBÉ.

Un tout jeune chef de maison, qui était de race royale et possédait de grandes richesses, disait :

— Tais-toi. Les vierges ne sont point pour les hommes de ton âge. Tais-toi. Je ne sais qu’une seule case où Banyane puisse entrer comme épouse : la mienne. Personne de vous ne la payera comme moi. Je donnerai pour elle dix chevaux sellés et des cauris autant que les esclaves de son père en pourront porter. Oui, si Banyane veut enfanter de moi, je payerai tout cela.

Elado souriait, flatté. Un Gambari ajouta :

— Dans mon pays, très loin, dans la grande ville du grand sultan qui a des milliers de femmes, si j’étais chargé de vendre Banyane, et si je pouvais garder pour moi ce qu’on la payerait, je serais plus riche que vous tous.

On entendait aussi ces phrases :

« Elle danse comme si les génies la portaient. » — « Elle est forte. » — « Elle a les flancs larges. » — « Elle a les reins puissants. » — « Elle prépare bien les akaras. » — « Quand elle le cuit, le pitou n’est jamais mauvais. »

Des hommes curieux demandaient :

— Qui donc achètera la belle Banyane ? À qui la donneras-tu, Elado ?

Majogbé, que toutes ces paroles agaçaient, et qui se remuait sur sa natte comme s’il avait été sur une termitière, répondit :

— Elado donnera Banyane à l’homme que Banyane