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MAJOGBÉ.

venus pour saluer, quand, toutes les charges réunies dans la case, on défit les paquets. On mit dans une chambre bien sèche, à part, les petits tonneaux de poudre ; ailleurs, les dames-jeannes de gin ; en tas, les pièces d’étoffes, les velours, les soies, les fusils aux crosses rouges ; puis, derrière le maître, les monceaux de menus bibelots achetés à caprice.

Tous ceux qui saluèrent Elado partirent avec un présent et burent le pitou des blancs, le gin, qui ressemble à de l’eau claire et brûle comme du feu. On connaissait la générosité d’ostentation d’Elado aux retours de ses piroguiers du Sud. Aussi, durant toute une matinée, une journée et une soirée, ce fut chez lui un défilé de gens qui entraient, saluaient, se prosternaient en disant :

— Salut, chef, qui te reposes ! Salut, baba, qui as reçu heureusement tes hommes au retour de leur voyage ! Salut, maître qui as ta maison pleine de bonnes choses ! Salut ! J’espère que le pitou des blancs est toujours très fort et qu’il n’a pas été mouillé par l’eau de l’Ogun.

Le chef devait répondre :

— Merci. Les hommes sont revenus aussi nombreux qu’à leur départ. Le pitou des blancs est toujours très fort. Si vous voulez me faire le plaisir d’en boire, vous verrez que je dis vrai.

Et le chef faisait apporter une bouteille de gin, qui, aussitôt parue, était bue. Le visiteur s’essuyait les lèvres avec le bord du pagne, claquait, satisfait,