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MAJOGBÉ.

En route, un bon noir a quelque fois hâte d’arriver — lorsque ses provisions diminuent. Au repos, en station, jamais il n’est pressé de partir. Les hommes d’Elado confiés à la conduite de Majogbé se trouvaient bien en lagune d’Eko. Majogbé lui-même ne comptait qu’à peine les jours. Ses marchandises achetées remplissaient quatre pirogues ; il cherchait du chargement et des passagers pour les autres. Il était un bon intendant, un bon commerçant. Il y avait à Eko beaucoup d’hommes de la région d’Aro, beaucoup de Gambaris également. Majogbé avait remis à leur chef un tyra de parchemin sur lequel Fuluani avait écrit des signes. Il retrouva chez eux le barbier qui avait connu son père Kosioko. Adamou — ainsi nommait-on ce vieux coureur de chemins qui avait vu toutes les villes et tous les villages que l’on peut rencontrer en marchant pendant des mois au nord et au levant — reprit avec lui la conversation d’Aké.

— Majoghé, tu as certainement voulu mettre une étoffe sur la pensée de ton cœur, lorsque, parlant de Kosioko, tu m’as dit que tu ne te souvenais pas. Cela n’est point possible. Ce que l’on a dans le sang ne disparait qu’avec le sang. Le petit des chevaux sauvages des bords de l’Oya peut être élevé dans les cours avec les chevaux esclaves d’Aké, jamais il ne