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MAJOGBÉ.

térieuses demeures. Les féticheurs adressèrent aussi de ferventes prières aux caïmans sacrés : ils leur dirent :

— Ô dieux, qui êtes si bons pour vos enfants, pour les fils de la race qui vous aima et que vous aimez, Ô caïmans, qui êtes nos pères, nos mères, nos frères, Ô caïmans, qui êtes la force, la grandeur, la puissance, écoutez bien ce que vos servants consacrés vous disent. Approchez et voyez. Le sacrifice que nous vous donnons vous montre que nous disons vrai. Regardez les hommes qui sont dans ces pirogues et leurs marchandises. Regardez aussi les pirogues. Tout cela appartient au grand chef Elado, de votre ville d’Aké. Ces hommes, ces pirogues et ces marchandises sont des amis et non des ennemis, des bons et non des méchants. C’est pour eux que nous vous faisons des sacrifices. C’est eux que vous devez protéger. Regardez-les bien et suivez-les. Allez avec eux dans la grande lagune et dites aux caïmans de là-bas, que nous ne connaissons point, dites que ces hommes sont à vous et qu’ils doivent revenir dans votre ville pour continuer à vous faire des sacrifices pendant longtemps.

Les féticheurs jetèrent le sang et la chair des victimes dans le fleuve, dansèrent, chantèrent, puis dirent très bas les paroles sacrées que seuls les dieux doivent entendre.

Les hommes mangèrent et burent. Et tandis que, sur la rive, les musiciens battaient les tam-tam,