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MAJOGBÉ.

contre ses combinaisons rapides, ni contre ses tricheries. Majogbé s’amusait ; il avait aussi du profit. Toujours il intéressait le jeu ; c’était sa manière à lui de se procurer de bonnes choses à manger et de ne jamais manquer de cauris. Il trouvait cela tout simple. Joueuse, la petite Banyane trouvait également naturel de perdre ct de payer. Le petit garcon voulait-il de bonnes croquettes de maïs au piment ? Il les gagnait en une partie. Banyane devait s’ingénier à les chercher, à les trouver, tandis qu’il attendait le ventre à l’air, la tête à l’ombre, les pieds au soleil, révant. Banyane avait-elle préparé et vendu au marché des petits pains de beurre de palme ou des akaras, les cauris qu’elle rapportait au gynécée ne tardaient pas à devenir la légitime propriété de Majogbé.

Une amitié naissait de la sorte entre le petit garçon et la petite fille.

À chaque lune, comme font les croyants, pendant la première année, sur la tombe des morts honorés, Majogbé allait offrir les sacrifices prescrits sur la fosse dans laquelle il avait enterré les restes du supplicié. Quand la nuit devenait noire, il parlait inaperçu, gagnait le bois maudit et accomplissait son devoir de fils, d’enfant respectueux de son