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MAJOGBÉ.

eux, il se pressait autour des femmes qui préparent les nourritures et bataillait pour recevoir grosse part, on n’aurait point distingué l’enfant esclave des enfants libres. Il était très rusé, il savait toujours obtenir ce qu’il désirait. Il était aussi très doux et on ne le rudoyait pas ; les femmes l’aimaient, il était souvent près d’elles. On riait même de lui ; on prétendait qu’il avait dû naître fille et qu’au dernier moment, les génies lui avaient donné son sexe par erreur. Il était content lorsque les femmes lui disaient cela ; il s’en égayait beaucoup avec elles. Un jour, des jeunes hommes qui mangeaient le caloulou voulurent se moquer de lui en répétant cette plaisanterie. Sans se fâcher, il prit sur le sol, où les moutons et les chèvres sont attachés, près des cuves à teinture, une poignée de boue fétide et la jeta dans la calebasse des rieurs en disant :

— Vous avez raison, je suis une fille ; il faut que je vous donne aussi à manger, voilà.

Les jeunes hommes étaient plus forts que lui. Il fut rossé.

Il était peu batailleur. Lorsque les fils de son maître et d’autres petits esclaves de son âge partaient à la maraude ou bien déclaraient la guerre aux gamins d’un autre quartier, il préférait ne pas les suivre et demeurait dans les cours du gynécée. Il avait une amie très chère, Banyane, la petite rieuse. Elle jouait avec lui d’interminables parties d’ayo ; elle perdait toujours ; elle ne pouvait lutter