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326 UN POËTE EGBA.

d’Acrombi dans laquelle est narrée l’obstination de deux joueurs également têtus, qui, pour ne pas laisser voir leurs jeux respectifs, vécurent, vieillirent et moururent, accroupis face à face, la main crispéc sur une case de l’ayo, les arliculations raidies ct desséchées par les ans.

Les petits incidents de la vie, les différends des hommes et des femmes, des maîtres et des esclaves, des chefs et des sujets, toute la menue monnaic de l’existence, fournissaient matière à la verve d’Acrombi, poète caustique, frondeur et cependant pas méchant. La dureté exige un développement que le peuple egba n’avait pas encore à cette époque.

Comment et quand mourut Acrombi ? La tradition est muette. Sa naissance, sa jeunesse, je l’ai dit, on sait tout cela très bien, puis plus rien. On penserait que les peuples n’aiment point savoir comment disparaissent leurs grands hommes, qu’ils veulent se donner l’illusion que ces hommes ne sont point morts et que l’on peut les attendre d’un moment à l’autre.

D’ailleurs, est-il mort, lc bon poëètc ? Ses chansons ne le font-clles pas vivre au milieu du peuple qui fut le sien ? Ghez tous n’ai-je pas entendu répéter les mots qu’il assembla, les airs qu’il inventa ? . N’est-ce point de la vie, celle-là qui, chaque jour, amène le souvenir d’un homme à l’esprit des générations ?

Combien vivra-t-il encore de la sorte ! Les Egbas