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MAJOGBÉ.

gens qui l’avaient cru perdu, puni pour le même crime que le supplicié, le regardaient avec stupeur.

Il se fâcha contre un vieux qui, matinal, s’en allait aux champs, portant une houe et un couteau. C’était un des Ogbonis qui avaient exigé sa mort, un croyant tout à fait persuadé que l’enfant avait été pris par les génies et dévoré en l’air. Aussi quand il le vit grimpant, allègre, le sentier, il laissa tomber ses outils et se prosterna effrayé :

— Si tu es une apparition, cria-t-il, ne me fais point de mauvaises choses, épargne-moi. Tu sais bien que moi je te défendais. Grâce !… Ne me touche pas et respecte ma maison !

Le vieil homme se roulait par terre comme devant les rois, les chefs puissants et les génies. Trois jours avant il disait : « Que Majoghé meure ! » Aussi, Majogbé, sans rien répondre, lui cracha sur la tête. Le craintif Ogboni, le front dans la poussière, criait encore : « Pardon ! pardon ! » que déjà l’enfant était loin.

Le palais de Kosioko était situé sur une place à peu de distance de la maison d’Elado. Majogbé y passa ; bien que pressé d’arriver chez son nouveau maitre, il entra.

La jalousie, la haine, l’envie avaient fait leur œuvre. Dans l’immense demeure autrefois si prospère, où le maître des chemins nourrissait de nombreuses femmes, une foule d’esclaves, des clients, des hommes libres, toute une multitude