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MAJOGBÉ.

Alors, de la prison, des esclaves amènent un homme enchaîné, La foule crie un nom : « Kosioko ! » Elle reconnaît un chef jadis aimé, le maître des chemins. Un enfant se tient près du captif.

Les crieurs demandent le silence : Ke gbo ohum !

Un des chefs, Elado, l’Akpenan d’Aké, s’avance avec ses joueurs de flûte. Il salue le nord, le midi, le levant et le couchant. Puis, il jette ses armes et son bâton aux pieds de l’Ologbo Oro, et dit :

— Prêtres, chefs et vous hommes libres, vous avez entendu l’appel du dieu. Et vous êtes venus. Le dieu est irrité. Le dieu veut qu’une justice soit faite aujourd’hui. Il nous a parlé. La vérité est dans mon cœur, dans ma bouche et dans mes paroles. Si je ne disais point des paroles de vérité, Oro m’emporterait comme il a emporté les feuilles de l’arbre que le suppliant lui a offert, implorant son jugement.

Et l’Akpenan montra, des deux mains, un tronc aux rameaux pelés qui gisait, lugubre, devant le temple.’

Un frisson secoua la foule. Le dieu avait mangé les feuilles de l’arbre du suppliant ; c’était la mort pour l’homme que tenaient les Oghonis ; c’était aussi la mort pour quiconque tenterait de le sauver. Aussi personne ne répondit lorsqu’Elado ajouta :

— Quelqu’un d’entre vous, guerrier, prêtre, homme libre ou même esclave, désiré-t-il essayer d’apaiser le dieu ? Quelqu’un veut-il se mettre en