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nées dénommées Tien-pao, c’est-à-dire l’an 742 de J.-C., il prit donc la route de Tchang-ngan, sans autre protection que l’éclat de sa verve et le bruit de son nom.

La cour du monarque chinois avait son Mécène, le ministre Ho-tchi-tchang, à qui Li-taï-pé se fit d’abord présenter. C’était un de ces esprits heureusement doués, qui partagent leur temps entre la science et le plaisir. Exerçant auprès de l’empereur de graves fonctions qui exigeaient une assiduité constante, il aimait à trouver chez lui, au retour de l’audience, des hommes d’une conversation fine et variée, dont il sentait le charme en homme de goût. Les improvisations brillantes du nouveau venu lui inspirèrent une admiration très vive : il voulut qu’il logeât dans son propre palais, et ne tarda pas à en faire son meilleur ami. Saisissant bientôt l’occasion de vanter à l’empereur les mérites de son hôte, il lui inspira l’envie de le connaître. Ming-hoang ne fut pas moins charmé que ne l’avait été son ministre, il vit dans le jeune poète une des principales gloires de son règne, et Li-taï-pé sut acquérir une faveur telle, que l’histoire chinoise n’en a guère de semblable à enregistrer.

Le Père Amiot consacre une assez longue notice à Li-taï-pé, parmi ses portraits des Chinois célèbres ; il donne plusieurs détails tirés de ses biographies qu’il me semble intéressant de lui emprunter.

« J’ai, dans ma maison, avait dit Ho-tchi-tchang à l’empereur chinois, le plus grand poète peut-être qui ait jamais existé : Je n’ai pas osé en parler encore à Votre Majesté, à cause d’un défaut dont il paraît difficile qu’il se corrige : il aime le vin, et en boit quelquefois avec excès. Mais que ses poésies sont belles ! Jugez-en vous-même, seigneur, continua-t-il en lui mettant entre les mains quelques vers de Li-taï-pé. »

L’empereur lut ces vers et en fut enthousiasmé. « Je sais, dit-il, condescendre aux faiblesses de l’humanité. Amenez-moi l’auteur