Gopâ, tout effrayée, s’éveilla ; elle courut à son mari :
« Seigneur, seigneur, cria-t-elle, que va-t-il arriver ? J’ai fait un rêve terrible ! Mes yeux sont pleins de larmes, et ma pensée est pleine de crainte.
— Raconte-moi ton rêve, » répondit le prince.
Gopâ dit tout ce qu’elle avait vu dans son sommeil. Le prince eut un grand sourire.
« Réjouis-toi, Gopâ, dit-il, réjouis-toi. Tu as vu la terre ébranlée ? C’est qu’un jour les Dieux mêmes s’inclineront devant toi. Tu as vu la lune et le soleil tombés du ciel ? C’est que bientôt tu vaincras la corruption, et qu’on t’en donnera des louanges infinies. Tu as vu les arbres déracinés ? C’est que tu sortiras de la forêt des désirs. Tu t’es vue les cheveux coupés ? C’est que tu couperas le réseau des passions qui t’enserre. Mes vêtements, mes parures, étaient dispersés ? C’est que je marche vers la délivrance. Des météores planaient sur la ville ténébreuse ? C’est que, sur le monde ignorant, sur le monde aveugle, je ferai luire la lumière de la sagesse, et ceux qui auront foi en mes paroles connaîtront le plaisir suprême et la joie. Sois heureuse, ô Gopâ, chasse la mélancolie ; bientôt tu seras honorée. Dors, Gopâ, dors : tu as fait un beau songe. »