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LES CONQUÉRANTS DE L’OR

Avait conquis, après de rapides victoires,
Cuzco, nombril du monde, où les Rois, ses aïeux,
Dieux eux-mêmes, siégeaient parmi les anciens Dieux,
Et qu’il avait courbé sous le joug de l’épée
La terre de Manco sur son frère usurpée.

Aussitôt, s’éloignant de la côte à grands pas,
À travers le désert sablonneux des pampas,
Tout joyeux de mener au but ses vieilles bandes,
Pizarre commença d’escalader les Andes.

De plateaux en plateaux, de talus en talus,
De l’aube au soir allant jusqu’à n’en pouvoir plus,
Ils montaient, assaillis de funèbres présages.
Rien n’animait l’ennui des mornes paysages.
Seul, parfois, ils voyaient miroiter au lointain
Dans sa vasque de pierre un lac couleur d’étain.
Sous un ciel tour à tour glacial et torride,
Harassés et tirant leurs chevaux par la bride,
Ils plongeaient aux ravins ou grimpaient aux sommets ;
La montagne semblait prolonger à jamais,
Comme pour épuiser leur marche errante et lasse,
Ses gorges de granit et ses crêtes de glace.
Une étrange terreur planait sur la sierra
Et plus d’un vieux routier dont le cœur se serra
Pour la première fois y connut l’épouvante.
La terre sous leurs pas, convulsive et mouvante,