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LES TROPHÉES

Au triste campement du port de Saint-Mathieu,
Pizarre, par la mer nouvellement ouverte,
Avec Bartolomé suivant la découverte,
Sur un seul brigantin d’un faible tirant d’eau
Repartit, et, doublant Punta de Pasado,
Le bon pilote Ruiz eut la fortune insigne,
Le premier des marins, d’avoir franchi la Ligne
Et poussé plus au sud du monde occidental.

La côte s’abaissait, et les bois de santal
Exhalaient sur la mer leurs brises parfumées.
De toutes parts montaient de légères fumées,
Et les marins joyeux, accoudés aux haubans,
Voyaient les fleuves luire en tortueux rubans
À travers la campagne, et tout le long des plages
Fuir des champs cultivés et passer des villages.

Ensuite, ayant serré la côte de plus près,
À leurs yeux étonnés parurent les forêts.

Au pied des volcans morts, sous la zone des cendres,
L’ébénier, le gayac et les durs palissandres,
Jusques aux confins bleus des derniers horizons
Roulant le flot obscur des vertes frondaisons,
Variés de feuillage et variés d’essence,