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LES TROPHÉES


Vengeance, ô Roi, vengeance et justice plus prompte !
Tire de l’assassin tout le sang qu’il me doit ! —
Et le peuple disait : — C’est la fille du Comte.

Car d’un geste rigide elle montrait du doigt
Cid Ruy Diaz de Bivar qui, du haut de sa selle,
Lui dardait un regard étincelant et droit.

Et l’œil sombre de l’homme et les yeux clairs de celle
Qui l’accusait, alors se croisèrent ainsi
Que deux fers d’où jaillit une double étincelle.

Don Fernan se taisait, fort perplexe et transi,
Car l’un et l’autre droit que son esprit balance
Pèse d’un poids égal qui le tient en souci.

Il hésite. Le peuple attendait en silence.
Et le vieux Roi promène un regard incertain
Sur cette foule où luit l’éclair des fers de lance.

Il voit les cavaliers qui gardent le butin,
Glaive au poing, casque en tête, au dos la brigandine,
Rangés autour du Cid impassible et hautain.