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PRÉFACE



Le nom de Fontainebleau éveille des idées diverses.

Les uns, en entendant prononcer le prestigieux vocable, penseront tout de suite au château célèbre. Ce qui apparaîtra à leur esprit, ce sont les magnifiques galeries où les maîtres mandés de Bologne et de Florence épuisèrent, pour l’émerveillement des générations, les ressources de la fantaisie pittoresque ; c’est cette « Italie française », selon le mot de Michelet, que se créa François premier, et qui, au déclin de son règne, devait consoler le vaincu de Pavie de la faillite de ses ambitions ultramontaines ; ils se représenteront les salles d’apparat, toutes pleines encore du reflet des fêtes splendides qui les illuminèrent, les chambres d’habitation, dont l’aménagement nous révèle, dans leur intimité, les hôtes princiers qui les occupèrent, le parc, théâtre d’intrigues galantes et de divertissements pompeux, la cour d’honneur, dont le nom résume le dernier et poignant épisode de l’épopée impériale ; ou bien, rassemblant ces images, ils évoqueront, dans une vision de large synthèse, l’incomparable somme d’architecture qu’est l’édifice total, le vaste palais, composite et harmonieux à la fois, que les rois et les empereurs se sont plu à l’envi à agrandir et à embellir, que chacun d’eux, du moins, a remanié selon le style de son époque et accommodé parfois à son goût personnel, et qui garde, inscrits dans les traits de sa construction et de sa décoration, les caractères que ces puissants modeleurs lui conférèrent tour à tour : fastueux et élégant avec les Valois, bourgeois et gasconnant avec Henri IV, cérémonieux et digne avec Louis XIV, émancipé et gracieux avec Marie-Antoinette, autoritaire et théâtral avec Napoléon, juste-milieu et garde-national avec Louis-Philippe, espèce de récapitulation nonumentale de l’histoire de la monarchie française, et qu’un poète ingénieux a pu, avec beaucoup de justesse, comparer à la France elle-même,