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a pas de famine, non de la richesse mise de côté pour aider à la production, mais de la richesse mise de côté pour fournir les moyens de subsistance. Et, ainsi qu’il a déjà été prouvé, les aliments, les vêtements, et tous les articles de richesse, ne sont du capital que tant qu’ils sont en la possession de celui qui se propose, non de les consommer, mais de les échanger contre d’autres articles, ou contre des services productifs, et cessent d’être du capital quand ils passent entre les mains de ceux qui veulent les consommer ; car dans cette transaction ils passent du stock de richesse formé pour se procurer un autre genre de richesse, dans le stock de richesse formé pour satisfaire ses désirs, sans s’occuper de savoir si leur consommation aidera ou non à la production de la richesse. Si l’on ne conserve pas cette distinction, il est impossible de tracer une ligne entre la richesse qui est capital et la richesse qui n’est pas capital, même en remettant cette distinction à « l’esprit du possesseur, » comme le fait John Stuart Mill. Car les hommes ne mangent pas ou ne s’abstiennent pas de manger, ne se vêtissent pas ou ne s’abstiennent pas de se vêtir suivant qu’ils ont ou non en vue le travail productif. Ils mangent parce qu’ils ont faim, et portent des vêtements parce qu’ils ne seraient pas à l’aise sans eux. Prenons la nourriture qui se trouve sur la table d’un ouvrier qui travaillera ou ne travaillera pas dans la journée, suivant l’occasion qui se présentera : si la distinction entre la richesse qui est capital et celle qui ne l’est pas réside dans la question de savoir si elle aidera ou non au travail productif, comment dire que cette nourriture est ou n’est pas du capital ? Il est impossible à l’ouvrier comme au philosophe de l’école de Ricardo et de Mill de le dire, et cela n’est possible ni lorsque la nourriture arrive dans l’estomac, ni lorsqu’elle a passé dans le sang et les tissus, si l’on suppose que l’ouvrier ne trouve pas tout de suite du travail et continue ses recherches. Et cependant l’homme mangera quand même son repas.

Bien que logiquement nous puissions en rester là, il est difficile de laisser cette discussion pour retourner à la distinction de