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faire, au lieu de vendre leur or au dépôt le plus proche, et de payer les profits du marchand, ils l’amassaient pour l’emporter ou l’envoyer à San-Francisco où on le leur changeait, sans perte, contre de l’argent monnayé. En accumulant ainsi de la poussière d’or ils diminuaient leur stock d’argent monnayé : de même le manufacturier en accumulant un stock de marchandises, amoindrit son stock d’argent. Et cependant personne n’aura l’esprit assez obtus pour se figurer qu’en amassant ainsi de la poussière d’or, et en payant avec de l’argent monnayé, le mineur amoindrit son capital.

Mais les dépôts qu’on pouvait exploiter sans travail préliminaire, furent bientôt épuisés, et l’exploitation de l’or prit alors un caractère plus sérieux. Avant de trouver des placers pouvant rendre quelque chose, il fallut ouvrir de profonds puits de mine, construire de grandes écluses, creuser dans le roc le plus dur de longues galeries, amener l’eau de très loin par dessus les montagnes et à travers les vallées, acheter de coûteuses machines. On ne pouvait faire tout cela sans capital. Parfois ces travaux demandaient des années pendant lesquelles il ne fallait espérer aucun rendement, il fallait payer chaque semaine ou chaque mois les salaires des hommes employés. On dira sûrement que dans des cas semblables, si ce n’est dans les autres, les salaires sont bien pris sur le capital ; ils sont bien avancés par le capital ; leur paiement doit nécessairement amoindrir le capital ; ici au moins l’industrie est limitée par le capital, car sans le capital on ne pourrait pas entreprendre de semblables travaux. Examinons les faits.

Ce sont des cas de cette espèce qu’on cite toujours pour prouver que les salaires viennent du capital. Car là où les salaires doivent être payés avant que le travail ait atteint son objet, comme dans l’agriculture où le labourage et l’ensemençage doivent précéder de plusieurs mois la récolte de la moisson, comme dans les constructions de maisons, de vaisseaux, de chemins de fer, de canaux, etc., il est clair que les possesseurs du capital distribué