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un chef de manufacture qui est en train de transformer des matières premières en articles finis, du coton en vêtements, du fer en quincaillerie, du cuir en souliers, etc., et qui paie une fois par semaine les ouvriers qu’il emploie, comme c’est généralement le cas. Faisons un inventaire exact de son capital le lundi matin avant que le travail commence ; ce capital comprendra ses constructions, ses machines, ses matières premières, son argent en caisse, et ses produits finis en magasin. Supposons, pour plus de simplicité, qu’il n’achètera ni ne vendra, pendant cette semaine ; et après que le travail sera arrêté, qu’il aura payé ses ouvriers le samedi soir, faisons un nouvel inventaire de son capital. La somme d’argent en caisse sera moindre, car elle aura passé en salaires ; il y aura moins de matières premières, moins de charbon, etc., il faudra déduire de la valeur des constructions et des machines une somme égale aux dégâts et aux fatigues de la semaine. Mais s’il fait des affaires rémunératrices, ce qui en moyenne est le cas, la quantité de produits finis sera assez grande pour compenser toutes ces pertes, et pour se résumer par un accroissement de capital. Évidemment donc, la somme qu’il a payée pour la main-d’œuvre en salaires, n’a pas été prise sur son capital ou sur le capital de quelqu’un d’autre. Elle ne vient pas du capital, mais de la valeur créée par le travail lui-même. Il n’y a pas plus ici avance du capital que si ce patron louait des hommes pour déterrer la mye des sables, puis les payait avec les coquillages qu’ils auraient déterrés. Leurs salaires sont aussi réellement le produit de leur travail que l’étaient les salaires de l’homme primitif quand, « longtemps avant l’appropriation des terres et l’accumulation du capital, » il obtenait une huître en la détachant des rochers avec une pierre.

Comme l’ouvrier qui travaille pour un maître ne reçoit son salaire que lorsqu’il a accompli son travail, son cas est semblable à celui de l’homme qui dépose de l’argent dans une banque et qui ne peut en retirer de l’argent que lorsqu’il en a