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que gagnent les propriétaires fonciers, les tenanciers ou les acquéreurs qui paieront, le perdront. Toute cette richesse relative qui, dans la pensée et le langage ordinaires, dans la législation et la loi, n’est pas distincte de la richesse réelle, pourrait, sans autre dépense que celle de quelques gouttes d’encre et d’un morceau de papier, être complètement anéantie. Par une ordonnance de la puissance politique souveraine, les dettes pourraient être effacées, les esclaves émancipés, la terre reprise comme propriété commune de tout le peuple, sans que la richesse commune en soit diminuée de la valeur d’une pincée de tabac à priser, car ce que quelques-uns perdraient, d’autres le gagneraient. Il n’y aurait pas plus de destruction de richesse qu’il n’y a eu création de richesse quand Elisabeth Tudor enrichissait ses courtisans favoris en leur concédant des monopoles, ou quand Boris Godoonof faisait des paysans russes une propriété marchande.

Tout ce qui a une valeur, au point de vue de l’échange, n’est donc pas de la richesse, le mot étant pris avec le sens qu’admet seule l’économie politique. Les choses dont la production augmente, et la destruction amoindrit la richesse générale, sont seules des richesses. Si nous considérons ce que sont ces choses, et quelle est leur nature, il ne nous sera pas difficile de définir la richesse.

Quand nous parlons d’une communauté croissant en richesse, comme lorsque nous disons que l’Angleterre est plus riche depuis l’accession de Victoria, ou que la Californie est plus riche aujourd’hui qu’à l’époque où elle faisait partie du Mexique, nous ne voulons pas dire que le pays est plus grand, ou que les forces naturelles du pays sont plus grandes, ou que le nombre des habitants est plus grand (car pour exprimer cette idée nous parlerions d’un accroissement de population), ou que les dettes ou les sommes dues par quelques-uns à d’autres ont augmenté ; nous voulons dire qu’il y accroissement de certaines choses tangibles, ayant une valeur réelle et non pas seulement relative, comme