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quelque chose pour leurs semblables. À Socrate ils ont donné la ciguë ; ils ont tué Gracchus à coups de bâton et de pierres ; ils ont crucifié le plus grand et le plus pur de tous. Et ceux — là sont les grands martyrs. Aujourd’hui les prisons russes sont pleines, et de longues processions d’hommes et de femmes qui, sans leur ardent patriotisme, auraient pu vivre dans l’aisance et le luxe, se dirigent vers la Sibérie où ils seront des morts vivants. Et combien, dans la pénurie et le besoin, dans l’abandon et le mépris, sans même connaître la sympathie ou la pitié qui leur auraient été si douces, combien sont morts, martyrs inconnus, dans tous les pays ! Nous pouvons nous en rendre compte par nos propres yeux.

Mais voyons-nous tout ?

En écrivant mes yeux sont tombés sur un journal où était ra contée brièvement, d’après un document semi-officiel, l’exécution de trois nihilistes à Kieff – un sujet prussien Brandtner, un inconnu se donnant le nom d’Antonoff, et un noble appelé Ossinsky. Au pied du gibet on leur permit de s’embrasser. « Alors l’exécuteur coupa la corde, les médecins déclarèrent que les victimes étaient mortes, les corps furent enterrés au pied de l’échafaud, et les nihilistes furent abandonnés à l’éternel oubli. » C’est ainsi que finissait le récit.

Je ne le crois pas. Non ; pas à l’oubli !

J’ai suivi dans cette enquête la marche de ma propre pensée. Quand je la commençai dans mon esprit, je n’avais aucune théorie à prouver, aucune conclusion à présenter. J’avais seulement compris l’étendue de la misère d’une grande ville, ce spectacle m’attirait, me tourmentait ; il ne me laissa de repos que lorsque je me mis à étudier quelles étaient les causes de la misère, comment on pourrait la guérir.

De cette enquête est sorti pour moi quelque chose que je ne pensais pas y trouver, la renaissance d’une foi perdue.