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Aujourd’hui, dans tous les centres de civilisation, le besoin et la souffrance sont assez grands pour atteindre au cœur quiconque ne ferme pas les yeux, et n’a pas des nerfs d’acier. Oserons-nous nous tourner vers le Créateur et lui demander de les adoucir ? En supposant que la prière soit entendue et qu’un ordre de celui qui a créé l’univers, anime le soleil d’une force plus grande ; qu’une nouvelle vertu remplisse l’air, et une nouvelle vigueur le sol ; que deux brins d’herbe poussent là où aujourd’hui un seul croît ; et que la semence qui rapporte cinquante maintenant rapporte alors cent ; la pauvreté s’en trouvera-t-elle diminuée et le besoin détruit ? Évidemment non ! Le bénéfice recueilli ne serait que temporaire. Les nouvelles richesses du monde matériel ne pourraient être utilisées que par la terre. Et la terre étant propriété privée, les classes qui monopolisent aujourd’hui les bienfaits du Créateur, monopoliseraient également ces nouveaux bienfaits. Les propriétaires fonciers profiteraient seuls de la chose. Les rentes augmenteraient, mais les salaires descendraient toujours vers le point où l’ouvrier n’a qu’à mourir de faim !

Et ceci n’est pas une simple déduction de l’économie politique ; c’est un fait expérimental. Nous le connaissons parce que nous l’avons vu. De notre temps même, devant nos propres yeux, la puissance qui est au-dessus de tout, et dans tout, et partout ; la puissance dont l’univers entier n’est que la manifestation ; la puissance qui fait toute chose et sans laquelle rien de ce qui est fait, n’est fait, a augmenté les choses dont l’homme peut jouir, aussi réellement que si la fertilité de la nature avait été augmentée. Il vint à l’esprit de celui-ci l’idée de soumettre la vapeur pour le service de l’homme. À l’oreille d’un autre fut soufflé le secret qui force l’éclair à porter un message tout autour du monde. De tous côtés les lois de la matière nous ont été révélées ; dans chaque branche industrielle nous avons à notre service des bras de fer et des doigts d’acier qui ont sur la production de la richesse exactement le même effet qu’un