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pagne la plus puissante nation du monde pour tomber au der nier degré de faiblesse quand la tyrannie remplaça la liberté. Voyez en France toute vigueur intellectuelle s’affaissant sous la tyrannie du xviie siècle pour reprendre toute sa splendeur lorsque la liberté renaît au XVIIIe, et fondant sur l’affranchissement des paysans français dans la grande Révolution, cette puissance étonnante qui de notre temps a résisté aux défaites.

N’aurons-nous pas confiance en elle ?

De notre temps, comme dans les époques précédentes, rampent des forces insidieuses qui, produisant l’inégalité, détruisent la Liberté. Les nuages s’amoncellent à l’horizon. La Liberté nous appelle à nouveau. Nous devons la suivre plus loin ; nous devons nous confier entièrement à elle. Nous devons l’accepter complètement, ou elle nous abandonnera. Ce n’est pas assez que les hommes puissent voter ; ce n’est pas assez qu’ils soient théoriquement égaux devant la loi. Ils doivent avoir la liberté de profiter des richesses naturelles et des moyens d’existence ; ils doivent être sur des termes égaux par rapport aux générosités de la nature. Sinon, la Liberté retirera sa lumière ! Sinon les ténèbres reviendront, et les forces mêmes qu’a développées le progrès deviendront des forces destructives. C’est la loi universelle. C’est la leçon des siècles. La société ne peut durer que si ses fondations s’appuient sur la justice.

Notre organisation sociale première est une injustice. En permettant à un homme de posséder la terre sur laquelle et de laquelle d’autres hommes doivent vivre, nous avons fait de ces hommes les esclaves du premier, à un degré qui augmente à mesure que se développe le progrès matériel. C’est par une alchimie subtile, par des moyens dont on ne se rend pas compte, que sont soutirés aux masses dans tous les pays civilisés, les fruits de leur dur travail ; on établit un esclavage plus dur et plus irrémédiable que celui qu’on a détruit ; on fait sortir le despotisme politique de la liberté politique, et bientôt les institutions démocratiques sombrent dans l’anarchie.