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lequel de nos grands centres de population et d’affaires, et satis faire son désir, et se livrer lui-même à la justice, sans courir d’autre risque, cent fois contre une, que d’encourir une punition consistant en un emprisonnement temporaire et une somme d’argent proportionnée à sa propre richesse et à la richesse et à la position de l’homme tué. Son argent sera payé, non à la famille de l’homme tué, qui a perdu son protecteur ; non à l’État qui a perdu un citoyen ; mais aux hommes de loi qui savent obtenir des délais, trouver des témoins, mettre les juges en désaccord.

Et ainsi, si un homme vole assez, il peut être sûr que sa peine ne consistera pratiquement qu’en la perte d’une partie du produit de son vol ; et s’il vole assez pour gagner une fortune, il sera félicité par ses connaissances comme jadis on félicitait le Vitiking qui revenait d’une croisière heureuse. Même s’il vole ceux qui avaient mis leur confiance en lui ; s’il vole la veuve et l’orphelin ; pourvu qu’il vole assez, il pourra en sûreté faire parade en plein jour de sa richesse.

La tendance en ce sens est tous les jours plus forte. Elle se montre avec puissance là où les inégalités dans la distribution de la richesse sont les plus grandes, et augmente avec elles. Si ce n’est pas là un retour vers la barbarie, qu’est-ce ? Ces attentats à la justice ne sont que des exemples de la débilité de notre mécanisme légal, dans chaque branche. On commence à entendre dire souvent qu’il vaudrait mieux revenir aux premiers principes et abolir la loi, car alors, pour se défendre soi-même, on formerait des comités de surveillance, et on rendrait soi-même la justice. Est-ce là un indice de progrès ou de décadence ?

Et chacun peut se rendre compte de ce que j’avance. Bien que nous ne le disions pas ouvertement, là foi générale en les institutions républicaines s’affaiblit, là même où elles ont atteint leur complet développement. La foi confiante dans le républicanisme n’est plus, comme autrefois, la source de bonheurs nationaux. Les hommes sérieux commencent à voir ses dangers, sans voir comment les éviter, à accepter l’opinion de Macaulay, et à