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doit pas être considérée comme une chose appartenant à un avenir éloigné. Elle a déjà commencé aux États-Unis, et s’accomplit rapidement sous nos propres yeux. Nos corps législatifs sont tous les jours plus inférieurs ; les hommes capables et probes sont forcés de fuir la politique et l’art de l’agioteur est compté pour beaucoup plus que la réputation de l’homme d’État ; on vote avec une indifférence toujours plus grande, la puissance de l’argent augmente ; il est difficile d’éveiller chez le peuple le senti ment que des réformes sont nécessaires, et plus difficile de les accomplir ; les différences politiques ne sont plus des différences de principe, et les idées abstraites perdent leur empire ; les partis sont dominés parce qu’on appellerait dans un gouvernement général, des oligarchies ou une dictature ; voilà bien tous les signes de la décadence politique.

Le type du développement moderne c’est la grande ville. C’est là qu’on trouve la grande richesse et la grande pauvreté. Et c’est là que le gouvernement populaire a le plus évidemment fait banqueroute. Dans toutes les grandes cités américaines il y a aujourd’hui une classe dirigeante aussi nettement constituée que dans les pays les plus aristocratiques du monde. Ses membres portent la puissance dans leurs poches, dirigent les élections, distribuent les offices qu’ils ont marchandé entre eux, et, bien qu’ils ne travaillent pas, portent les plus beaux vêtements et dépensent de l’argent avec prodigalité. Ils sont puissants, les ambitieux doivent les courtiser, on doit éviter leur vengeance. Qui sont ces hommes ? Des hommes sages, bons, instruits, qui ont gagné la confiance de leurs concitoyens par la pureté de leur vie, par l’éclat de leurs talents, par leur probité dans les emplois publics, par leur étude approfondie des problèmes gouvernementaux ? Non ; ce sont des joueurs, de beaux parleurs, des férailleurs, ou pire, qui ont fait un métier du contrôle des votes, de la vente et de l’achat des offices et des actes officiels. Ils sont pour ces villes ce que les prétoriens étaient pour Rome en décadence. Celui qui veut porter la pourpre, s’asseoir sur la chaise