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par la même cause qui transforma le progrès romain en décadence.

Ce qui a détruit toute civilisation antérieure, c’est la tendance à la distribution inégale de richesse et de puissance. Cette même tendance, opérant aujourd’hui avec une force beaucoup plus grande, se retrouve dans notre civilisation, dans toute communauté progressive, et avec une intensité d’autant plus grande que la communauté progresse davantage. Les salaires et l’intérêt tendent constamment à baisser, la rente à monter, le riche à devenir plus riche, le pauvre à devenir plus misérable et plus désespéré, et la classe moyenne à disparaître.

J’ai remonté à la cause même de cette tendance. J’ai montré par quels moyens simples on peut éloigner cette cause. Je désire maintenant montrer comment, si l’on n’emploie pas ces moyens, le progrès peut se changer en décadence, la civilisation moderne en barbarie, comme l’ont fait les civilisations précédentes. Il est utile de montrer comment ceci peut arriver, parce que beaucoup de gens, incapables de voir comment le progrès peut se changer en décadence, considèrent cette transformation comme impossible. Gibbon par exemple, croyait que la civilisation moderne serait indestructible parce qu’il n’y aurait pas de barbares pour l’envahir ; et il y a une idée très répandue, c’est que l’invention de l’imprimerie a tellement multiplié les livres qu’elle empêche la possibilité même de la destruction de la science.

Les conditions du progrès social, d’après la loi que nous avons formulée, sont l’association et l’égalité. Depuis les temps où nous pouvons apercevoir les premières lueurs de la civilisation, dans les ténèbres qui suivirent la chute de l’Empire d’Occident, le progrès moderne a généralement tendu à l’égalité politique à l’abolition des privilèges héréditaires ; à la substitution du gouvernement parlementaire au gouvernement arbitraire ; au droit de s’en rapporter à soi seul pour les matières de religion ;