Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/520

Cette page n’a pas encore été corrigée

vernés ; elle se corrompit, déclina, et tomba. Longtemps avant que les Goths et les Vandales eussent brisé le cordon de ses légions, même au moment où elle reculait ses frontières, Rome était atteinte au cœur. Les grandes propriétés ont ruiné l’Italie. L’inégalité a détruit la force et la vigueur du monde romain. Le gouvernement devint du despotisme, que l’assassinat même ne pouvait tempérer ; le patriotisme se changea en servilité ; les vices les plus hideux s’étalèrent au grand jour ; la littérature s’égara dans les subtilités ; la science fut oubliée ; des régions fertiles se changèrent en désert sans avoir été ravagées par la guerre partout l’inégalité produisit la ruine politique, mentale, morale et matérielle. La barbarie qui envahit Rome ne venait pas tant du dehors que du dedans. Elle était le résultat nécessaire d’un système qui avait substitué des esclaves et des colons aux cultivateurs indépendants de l’Italie, et découpé les provinces en propriétés des familles sénatoriales.

La civilisation moderne doit sa supériorité à la croissance de l’égalité concurremment à celle de l’association. Deux grandes causes ont contribué à ce développement — la division du pou voir concentré en une quantité de petits centres, division due à l’invasion des peuples du Nord, et l’influence du christianisme. Sans la première cause on n’aurait connu que la pétrification de l’Empire d’Orient, où l’Église et l’État étaient intimement unis et où la perte de la puissance extérieure n’apporta aucun soulagement à la tyrannie intérieure. Sans la seconde on n’aurait connu que la barbarie sans le principe d’association et de progrès. Les petits chefs et les seigneurs féodaux qui partout s’emparèrent de la souveraineté locale, se tinrent l’un l’autre en échec. Les cités italiennes recouvrèrent leur ancienne liberté, des villes libres furent fondées, les franchises municipales prirent naissance, et les serfs acquirent des droits au sol qu’ils cultivaient. Le levain des idées teutoniques d’égalité fermenta dans la société désorganisée. Et bien que la société fût divisée en un nombre immense de fragments séparés, cependant