Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/519

Cette page n’a pas encore été corrigée

La civilisation européenne diffère en caractère des civilisations du type de la civilisation égyptienne, parce qu’elle n’est pas née de l’association d’un peuple homogène se développant dès le commencement, ou du moins pendant longtemps, dans les mêmes conditions, mais de l’association de peuples qui, lorsqu’ils étaient séparés, avaient acquis des caractéristiques sociaux distinctifs, et dont les organisations plus réduites avaient longtemps empêché le pouvoir et la richesse de se concentrer sur le même point. La configuration physique de la péninsule grecque est telle qu’elle devait séparer dès l’origine un peuple en un nombre de petites communautés. Lorsque ces petites républiques, et ces petits royaumes cessèrent de gaspiller leurs forces dans la guerre, et que la coopération pacifique du commerce se fut étendue, la lumière de la civilisation les éclaira. Mais le principe d’association ne fut jamais assez fort pour sauver les Grecs des guerres intérieures, et quand la conquête mit fin à ce genre de guerre, la tendance à l’inégalité qu’avaient combattue par divers moyens les sages et les politiques de la Grèce, suivit librement son cours, produisit ses résultats habituels, et la valeur grecque, et l’art, et la littérature, devinrent des choses du passé. Et de même dans la naissance, l’expansion, le déclin et la chute de la civilisation romaine, on peut trouver à l’ouvre ces deux principes d’association et d’égalité, dont la combinaison produit le progrès.

Naissant de l’association d’agriculteurs indépendants et de libres citoyens de l’Italie, et recevant une vigueur nouvelle par les conquêtes qui mettaient en relation des nations hostiles, la puissance romaine donna la paix au monde. Mais la tendance à l’inégalité entravant dès le début les progrès réels, augmenta à mesure que s’étendit la civilisation romaine. La civilisation romaine ne se pétrifia pas comme aurait fait une civilisation homogène où les liens très forts de la coutume et de la superstition enserrent le peuple, mais le protègent aussi sans doute, ou entretient au moins la paix entre les gouvernants et les gou-