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commune, sera considéré comme un dangereux innovateur. Car l’inégalité tend à amoindrir la part de puissance mentale consacrée au progrès, et à rendre l’homme contraire au progrès. On connaît trop bien combien est puissante la disposition à conserver les vieilles méthodes parmi les classes restées ignorantes à cause de la nécessité de travailler pour gagner les seuls moyens d’existence ; d’un autre côté, l’esprit conservateur des classes auxquelles les arrangements sociaux existants donnent des avantages spéciaux, est également apparent. Cette tendance à résister à l’innovation, même lorsqu’elle est un progrès, s’observe dans toute organisation spéciale qu’il s’agisse de religion, de loi, de médecine, de science, ou d’association de commerce, et elle devient très forte quand l’organisation est fermée. Une corporation fermée a toujours une animosité instinctive contre les innovations et les innovateurs, animosité qui n’est que l’expression de la peur instinctive qu’un changement puisse renverser les barrières qui séparent les privilégiés du troupeau commun, et lui voler ainsi leur importance et leur pouvoir ; elle est toujours disposée à garder soigneusement sa science ou son adresse spéciales.

C’est de cette manière que la pétrification succède au progrès. L’accroissement de l’inégalité force nécessairement le progrès à s’arrêter, et s’il persiste ou provoque des réactions inutiles, cet accroissement empiète même sur la force mentale nécessaire à la subsistance, et la décadence commence.

Voilà les principes qui rendent intelligibles l’histoire de la civilisation.

Dans les localités où le climat, le sol, la configuration physique tendent le moins à séparer les hommes, quand leur nombre augmente, et où, en conséquence, sont nées les premières civilisations, les résistances internes au progrès se sont naturellement développées d’une manière plus régulière et plus complète que là où des communautés plus petites, s’étant diversifiées lors de leur séparation, se sont réunies beaucoup plus tard. Voilà,