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de la nature humaine, d’une tendance constante à l’inégalité. Je ne veux pas dire que l’inégalité est le résultat nécessaire du développement social, mais qu’elle tend toujours à accompagner le développement social si avec celui-ci ne se produisent pas des changements dans l’organisation sociale, assurant l’égalité dans les nouvelles conditions que fait naître le développement. Je veux dire, pour parler ainsi, que l’enveloppe de lois, de coutumes, d’institutions politiques que chaque société tisse pour elle-même, tend constamment à devenir trop étroite à mesure que la société progresse. Je veux dire que l’homme, à mesure qu’il avance, passe par un labyrinthe, dans lequel, s’il marche droit devant lui, il s’égarera infailliblement, et à travers lequel la raison et la justice peuvent seules le guider constamment vers le chemin ascendant.

Car pendant que l’intégration qui accompagne le développement tend en elle-même à laisser aux facultés mentales toute liberté de travailler pour le progrès, il y a, grâce à l’accroissement du nombre des individus et de la complexité de l’organisation sociale, une tendance contraire conduisant à un état d’inégalité, qui ruine la force mentale, à mesure qu’elle augmente, et produit un arrêt dans la marche du progrès.

Exprimer sous sa forme la plus haute la loi qui opère en développant avec le progrès la force qui arrête le progrès, ce serait, il me semble, approcher de la solution d’un problème plus important que celui de la genèse du monde matériel — le problème de la genèse du mal. Qu’il me soit permis de me contenter moi-même en expliquant de quelle manière naissent, à mesure que la société se développe, des tendances qui arrêtent ce développement.

Il y a deux qualités de la nature humaine qu’il serait bon, cependant, de ne pas perdre de vue. L’une est la puissance de l’habitude – la tendance à continuer à faire les choses de la même manière ; l’autre est la possibilité de la décadence mentale et morale. L’effet de la première sur le développement so-