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physiquement pareils. Parmi les millions d’hommes qui ont passé sur la terre, il n’y en a probablement jamais eu deux physiquement ou mentalement identiques. Je ne veux pas dire non plus qu’il n’y a pas de différences aussi clairement marquées dans les familles d’esprits que de différences nettement marquées dans les races considérées au point de vue physique. Je ne nie pas l’influence de l’hérédité pour la transmission de particularités intellectuelles comme pour celle des particularités corporelles. Mais il y a néanmoins, à mon avis, une mesure commune, une symétrie naturelle de l’esprit comme du corps, vers laquelle tendent à revenir les déviations elles-mêmes. Les conditions dans lesquelles nous nous trouvons peuvent produire des difformités semblables à celles que produisent les Têtes Plates en comprimant la tête de leurs enfants, ou les Chinois en bandant les pieds de leurs filles. Mais de même que les enfants des Têtes-Plates continuent à naître avec des têtes ordinaire ment conformées, et les enfants Chinois avec des pieds ordinaires, de même la nature semble toujours revenir au type mental normal. Un enfant n’hérite pas plus de la science de son père qu’il n’hérite de son wil de verre ou de sa jambe artificielle ; l’enfant des parents les plus ignorants peut devenir un pionnier de la science, un des maîtres de la pensée humaine.

Mais voilà le grand fait qui nous concerne : les différences entre les individus des communautés à différents lieux, et à différentes époques, que nous appellons des différences de civilisation, ne sont pas des différences inhérentes aux individus, mais des différences inhérentes à la société ; elles ne résultent pas, comme le soutient Herbert Spencer, de différences dans les uni tés ; mais elles résultent des conditions où se trouvent ces unités dans la société. En résumé, je crois que l’explication des différences entre les communautés est celle-ci : chaque société, petite ou grande, se tresse naturellement à elle-même un tissu de con naissances, de croyances, de langage, de goûts, d’institutions et de lois. C’est dans ce tissu, filé par chaque société (ou plutôt dans